Résidences connectées : des innovations au service de l’étudiant
Premier poste budgétaire des étudiants, le logement apparaît comme un véritable moyen de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur. À ce titre, le quinquennat de François Hollande a initié la construction de 40 000 appartements étudiants à caractère social sur l’ensemble du territoire français. Alors, qu’est-ce qui dans la création de ces appartements neufs, favorise la réussite des élèves ? Loyer économique rime-t-il forcément avec équipement minimum ? Quelles innovations ont fait leur apparition en matière de logement ? En quoi ces innovations donnent-t-elle naissance à un véritable “habitat nouvelle génération” ?
Le logement, premier poste budgétaire de l’étudiant
En 2014, le budget logement représente 58% des dépenses d’un élève. Ce pourcentage monte à 55% en Île-de-France. En cause, le recours croissant à l’offre du marché privé en raison de l’offre limitée dans le parc social.
Nationalement, le budget logement des étudiants est de 595€ en 2016, montant qui varie fortement selon les zones géographiques.
Selon une étude de la CBRE (société de conseil en immobilier), à la rentrée 2016 le parc de logements étudiants n’offrait que 375 000 places pour près d’1,6 millions d’étudiants ne résidant pas chez leurs parents. Parmi ces étudiants, seuls 10 à 15% sont logés dans le parc public (résidences CROUS, logements sociaux, internats etc). À Paris, l’offre de chambres dans les résidences du CROUS ne représente que 1,9% du total des étudiants qui ont quitté le logement familial.
Alors que les loyers dans le privé ne cessent d’augmenter du fait de la rareté des biens, comment accroître l’offre de logements sociaux ?
Le plan 40 000, remède à la pénurie de logements sociaux ?
Le plan 40 000, activé en 2013 par Cécile Duflot (alors ministre de l’égalité des territoires et du logement) et Geneviève Fioraso (alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche) vise justement à faire progresser de 25% le parc géré par le CROUS (165 000 appartements à l’époque). La moitié de ces “appartements étudiants” sont prévus en Îles-de-France, où la pénurie d’appartements dans le parc social est avérée.
Crise du logement étudiant, le bilan
Najat Vallaud-Belkacem, Emmanuelle Cosse et Thierry Mandon saluent le bilan du “plan 40 000”. Ce sont 67% des objectifs fixés qui ont été atteints, soit 26 840 places créées entre 2013 et 2016.
De plus, 42 607 nouvelles places en résidences étudiantes sont attendues au cours des quatre années à venir (livraison de 15 767 appartements neufs au cours de l’année 2017). Un bilan qui a de quoi faire oublier l’échec de l’opération gouvernementale “Campus” (2007-2012).
Démocratiser le logement, démocratiser l’enseignement
En quoi la création de d’appartements neufs favorise-t-elle l’accès des élèves à l’enseignement supérieur ? L’augmentation du nombre d’étudiants et des prix du logement ainsi que la baisse de la mobilité résidentielle sont des facteurs majeurs de difficultés pour les jeunes. La pyramide de Maslow nous rappelle que l’habitat est un besoin physiologique. À la base de tous les autres besoins de l’homme, il semble aussi nécessaire que le fait de se nourrir ou de se reposer. Dans ces conditions, comment se focaliser sur les études quand les besoins vitaux ne sont pas respectés ?
Favoriser la réussite des étudiants passerait donc par l’accès à un appartement de qualité, à un loyer économique (accessible à tous). De plus, la volonté sans cesse renouvelée de construire écologique permettrait aux jeunes, outre les enjeux environnementaux indiscutables, de réaliser des économies d’énergie dans leur appartement tout en les sensibilisant à l’effort national de réduction des gaz à effet de serre.
Enfin, il est important de distinguer le fait de “se loger” du fait d’“habiter” un lieu. Il semble primordial, pour la réussite universitaire des jeunes, de leur donner les moyens d’“habiter” dans un espace, c’est-à-dire de l’investir, d’entretenir avec ses occupants des relations affectives et de bénéficier des services qui y sont liés. Le logement joue un rôle de socialisation des étudiants qui prend, avec la modernisation des équipements, une apparence nouvelle. Ces équipements modernes concourent à instaurer un climat de sécurité affective et d’appartenance à la communauté, propices à la stabilité des apprentissages étudiants.
Loyer minimum, équipement maximal
Des projets immobiliers sortent de terre qui proposent aux étudiants français toujours plus de confort et d’interactivité avec leur résidence, leurs voisins et leur ville.
Pour exemple, le programme toulousain Newton dont la livraison est prévue au quatrième trimestre 2017. Ce complexe immobilier innovant et totalement connecté donne naissance à 166 studios étudiants d’un genre nouveau. Le principe : des services associés aux appartements neufs, parfaitement adaptés aux besoins quotidiens de ses résidents. Pour ce faire, des applications mobiles sont à disposition des étudiants et leur permettent :
- de centraliser la gestion de leurs équipements (chauffage, eau, électricité, volets roulants etc),
- d’effectuer le suivi de leur consommation en temps réel (électricité, eau chaude, chauffage) afin d’estimer le montant de leurs factures,
- de programmer leurs consommations heure par heure et jour par jour (fermeture des volets et extinction des radiateurs à heures régulières),
- de prévoir des scénarios de consommation (avec le scénario “départ” ou “vacances”, la température de l’appartement baisse automatiquement à la valeur définie, les volets descendent seuls, l’éclairage se stoppe),
- de localiser les bornes disponibles de recharge des véhicules électriques et de créditer leur compte personnel via leur mobile ou leur tablette.
En ce qui concerne la gestion des parties communes, l’ascenseur fonctionne à l’énergie solaire, les boîtes aux lettres sont intelligentes (réception d’un SMS à l’arrivée d’un colis), l’éclairage - qui provient de panneaux photovoltaïques - est optimisé (lampes LED, détecteurs de présence) et la laverie est bien sûr connectée (machines disponibles, fin du cycle de lavage).
Au rang des équipements à même de promouvoir l’interactivité entre les étudiants et leurs voisins, une salle de fitness est à disposition et les studios sont équipés du Wi-fi.
De même, un tableau numérique informatif, présent à l’entrée de la résidence, permet de connaître en temps réel le passage des transports en commun à proximité ainsi que la météo et les bons plans de la ville (expositions, concerts, festivals etc).
Enfin, le gestionnaire et le régisseur de la résidence sont prévenus en temps réel d’une panne ou d’un dysfonctionnement, ce qui permet d’agir au plus vite.
Dans le neuf, des appartements toujours plus innovants
La domotique ne fait pas irruption uniquement dans la vie des étudiants. Ce sont tous les nouveaux logements neufs qui bénéficient de ces récentes évolutions. La forte demande des collectivités de disposer d’appartements adaptés aux habitants fait écho à leur désir perpétuel de se rendre attractives.
Voici un tour d’horizon des nouveautés en termes d’habitat.
En Suisse, le projet JewelBow (le “Joyau”) est un véritable concentré d’innovations technologiques. Pour preuve, la résidence ne produit aucun gaz à effet de serre. Pour cela, plusieurs équipements sont impliqués : panneaux solaires rotatifs (ils suivent l’orientation du soleil), murs végétaux (régulation thermique à l’intérieur du logement), système de récupération des eaux de pluie avec capteur d’humidité (pour réguler l’arrosage). “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”: l’énergie produite en excès est stockée puis revendue aux entreprises locales de distribution collective d’énergie (Romance Énergie). Pour ce qui est des équipements sécuritaires, un portail intelligent ne s’ouvre qu’aux habitants et invités, l’alarme enclenchée empêche l’utilisation depuis l’extérieur, des objets connectés à l’intérieur.
En France, le promoteur immobilier Bouygues promet également de belles avancées en matière d’habitat connecté. Plusieurs programmes intègrent dès la livraison, des fonctionnalités domotiques basiques. Outre les déjà connus volets roulants, détecteurs de fumée et les chauffages et éclairages programmables, les professionnels de l’immobilier proposent des équipements complémentaires sous forme de packs à intégrer à la commande. Notamment, la réception d’alertes sur son smartphone permet d’être averti de la présence d’un intrus ou de fumée dans le logement. Par ailleurs, un système d’interrupteur sans fil et sans pile les rend amovibles, ce qui règle l’habituel questionnement de l’emplacement des meubles. Comme dans le programme toulousain Newton proposé par le Groupe IMMO9 Toulouse, la consultation de la consommation se fait sur téléphone et peut être analysée de manière journalière, mensuelle ou annuelle. L’installation d’une interface unique permet de “dialoguer” avec tous les objets connectés du logement (station météo, alarme, ampoule intelligente) et de les contrôler en temps réel.
Enfin, certains bailleurs sociaux comme Paris Habitat-OPH ont inventé les réseaux sociaux internes aux résidences. L’objectif est d’apprendre à mieux vivre ensemble, en activant la solidarité et la convivialité entre locataires. Un mode d’emploi permet d’ouvrir l’accessibilité de ce réseau baptisé de “Toit à toit”.
De leur côté, les experts de la résidence pour séniors adaptent petit à petit les logements aux usages. Loin d’être allergiques à la technologie, les personnes âgées pourraient voir leur vie facilitée par la domotique : robot intelligent qui envoie des mails, allume la télévision, prend rendez-vous chez le médecin (sur simple commande vocale), capteurs intégrés au sol pour permettre à la famille d’être informée d’une chute etc. De quoi prolonger la précieuse autonomie des personnes âgées.
Naissance d’un habitat nouvelle génération
En somme, ces innovations, de par leur ampleur et la rapidité de leur expansion, donnent naissance à un “habitat nouvelle génération”, capable aussi bien de nous faire réaliser des économies d’énergie (et donc de réduire nos factures) que de maintenir nos liens sociaux, notre sécurité et notre autonomie. Dans le domaine de l’enseignement, ces progrès pourraient être synonymes, sinon de réussite, à tout le moins de démocratisation de l’accès aux études supérieures.
L’observatoire de l’immobilier durable publiait en 2015 une étude intitulée “L’innovation, le nouveau levier de création de valeur dans l’immobilier” qui présente les défis lancés au secteur de l’immobilier en termes d’adaptation aux changements de la société et du monde. L’étude décrit l’habitat de demain : économe, connecté, collaboratif et implanté dans son territoire.
Si les professionnels de l’immobilier sont pleinement engagés dans des projets pilotes qui expérimentent ces nouvelles formes de logements, le prix de la technologie intégrée reste un frein pour les acquéreurs (notamment dans la parc locatif privé) et laisse présager que sur les 60 000 constructions neuves prévues par le gouvernement pour les étudiants seuls 8% (part du parc étudiant privé) devraient être “nouvelle génération”. En effet, les bailleurs sociaux ne devraient pas se risquer à insérer dans leurs constructions des équipements qui viendraient à mécaniquement faire gonfler le prix des loyers.
Plus généralement, en ce qui concerne la capacité de nos habitats à nous faire réaliser des économies d’énergie, l’”Objectif 2030” de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) nous rappelle que c’est notre volonté qui est engagée indépendamment des capacités de notre logement. À ce titre, L’ADEME imagine un scénario “Empreinte allégée” dans lequel les émissions de gaz à effet de serre des ménages français seraient réduites de 17% entre 2007 et 2030 et ce, par le simple changement de nos habitudes de consommation.